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"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ? Jusqu'au jour où je suis tombée s...

La sororité, chance pour les femmes ou fumisterie sexiste ?

 La sororité, vous en avez entendu parler, et sans doute plus d'une fois.
Dans le sillage de MeToo, elle bouscule la bonne vieille fraternité, occupe désormais le devant de la scène.
 
groupe de femmes

 
Faut-il s'en plaindre ?
A priori, la mise en avant de la sororité constitue une bonne nouvelle.
Oui, les femmes peuvent être solidaires entre elles.
Non, elles ne sont pas toujours des harpies prêtes à se "crêper le chignon". 
Stop aux caricatures.
 
La sororité a-t-elle pour autant vocation à sauver le monde ?
A exiger des femmes un devoir de vertu bienveillante ?
Stop aux caricatures. 


 
- Qu'on se le dise, les femmes ne sont pas toujours ennemies, opposées par la jalousie, la rivalité, l'animosité systématique.
 Elles peuvent être amies, alliées, travailler ensemble dans le monde professionnel.
 Plus généralement, elles peuvent s'apprécier, se soutenir, faire preuve de solidarité entre elles, se rassembler pour être plus fortes
Cette solidarité au féminin, ou sororité, peut constituer un outil d'émancipation, un moteur du féminisme. Un appui indispensable aux luttes des femmes pour le respect et l'égalité. 
Mettre en lumière ces interactions entre femmes contribue à combattre les caricatures simplistes, les clichés sexistes.
 
Sauf que, comme tout lien humain, la sororité n'est ni toute-puissante, ni universelle, et n'a pas vocation à être obligatoire.
Prétendre l'inverse : parfait pour imposer de nouveaux carcans aux femmes. Merci pour elles.


- La sororité serait supposée modifier l'avenir, sauver le monde. Rien que cela.
La preuve ? Les sociétés matriarcales, où existe une forte solidarité entre femmes, où règnent des relations égalitaires, pacifiques
Par conséquent, grâce aux "sœurs" :
Fini le principe - patriarcal, masculin - de la logique hiérarchique verticale, vive l'horizontalité, porteuse de justice, d'égalité, voire d'une nouvelle civilisation.
Terminés les mécanismes de domination, en particulier des femmes par les hommes.
Dehors le principe - patriarcal, masculin - du "diviser pour mieux régner", vive l'esprit de solidarité, de communauté, d'empathie, de bienveillance, de générosité, le tout couronné par la notion d'amour.
Magnifique, exaltant, émouvant, n'est-il pas ?
Sans oublier la belle cerise sur le gâteau.
La sororité transforme la vie professionnelle des femmes, qui se serrent les coudes entre collègues.
Elle jette aux oubliettes l'esprit de compétition, cette tare masculine : bienvenue à l'entraide féminine au travail !
Craché, juré, entre sœurs, tout ira mieux au boulot.
 
Mais comment faire avancer cette sororité de combat, moteur d'une révolution
C'est tout simple : avec des troupes en ordre de marche. De préférence du même pas, dans la même direction.
 
 
La solidarité entre femmes, c'est du travail. De la discipline.
Atteindre un ordre social "horizontal" et plein d'amour, cela se mérite.
Principe fondamental de base : reconnaître l'autre femme comme ma sœur. Une grande famille, nous formons.
La tribu doit obéir à d'autres règles essentielles :
Interdit de dénigrer une sœur, même si elle a tort.
On ne va pas faire le jeu du patriarcat, tout de même.
Rassurez-vous, mes sœurs, mes camarades de combat, toute critique n'est pas proscrite : l'auto-critique est autorisée, de même que le débat constructif et bienveillant.
Mesdames, soyez bienveillantes les unes envers les autres (nous sommes sœurs, n'oubliez pas), et tout ira bien.
 
La sororité devait aider les femmes à combattre les préjugés misogynes (femmes toujours rivales).
Elle remplace un cliché par un autre (femmes jamais rivales). 
La sororité devait aider les femmes à s'émanciper des carcans traditionnels (sans oublier l'épilation, cette injonction insupportable, ce pilier de l'oppression patriarcale...).
Elle leur inflige une nouvelle norme de conduite.
Soyez  bienveillantes avec vos sœurs, aimables, loyales, solidaires, altruistes, empathiques, généreuses.
Et voilà recyclés, au nom de la sororité, les vieux schémas - sexistes - de la femme douce, dévouée, vertueuse. Si progressiste, tellement féministe.
 
 
Petit problème, ces injonctions à la perfection sororale font flop.
Dans le monde du travail, subsistent entre femmes rivalités, harcèlement, autoritarisme. Navrant.
MAJ  : dans le monde scolaire, le harcèlement sévit aussi , y compris entre "amies" .
La solidarité féminine roule parfois à deux vitesses, oubliant des "sœurs" au passage. Stupéfiant.
 De manière générale, la concurrence féminine persiste, y compris dans les multiples branches du féminisme. Sidérant.
Proposition d'explication : les femmes, ces créatures sous emprise permanente du mâle, ont intériorisé la misogynie dans un cadre patriarcal, se soumettent aux modèles masculins.
Mettons fin à l'oppression masculine, et adviendra le Grand Soir : la réconciliation féminine généralisée.
Petit problème, les conflits et violences entre femmes surgissent aussi dans les sociétés matriarcales ("Penser la violence des femmes", éditions La Découverte, p. 238 et s.).  


Et si l'on admettait que les femmes ne sont pas, ne seront jamais, exemplaires.
Qu'elles peuvent se détester, se jalouser, se trahir, s'affronter, s'agresser, se brutaliser.
Qu'elles peuvent aussi, heureusement, souvent, s'apprécier, se protéger, s'entraider, s'aimer. 
Comme leurs congénères masculins.
Comme des êtres humains.


4 commentaires:

  1. Belle conclusion, généralisable à tous les sujets ! Car la finalité reste toujours bien l'égalité humaine, sans distinction aucune entre les individus. Et force est de constater que cette humanité a bien du mal à rester bienveillante en toute circonstance, en particulier dans l'impitoyable "monde du travail", indépendamment des questions de genre... Sacré monde animal, difficile de s'en défaire !

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  2. Merci pour le commentaire !
    Bienveillance et entraide fondées sur la fraternité et/ou la sororité permettent en principe de rapprocher les humains entre eux, quel que soit leur genre, en effet.

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  3. Les femmes comme les hommes ont leurs (grandes) qualités et leurs (grands) défauts.
    Nous sommes humains, même si une partie de notre existence est conditionnée par la société et la place qu'elle nous donne.

    Pointer les imperfections a toujours été un (trop?) bon moyen de cacher le principe et les efforts généraux, en vue de porter le discrédit (donc de nuire).
    Ca se trouve pas seulement dans le féminisme mais partout (écologie, alimentation, etc...). C'est le sophisme du "vrai/faux écossais".

    Par contre, essentialiser ainsi les femmes et les hommes, faire des femmes forcément nos alliées et les hommes forcément nos ennemis, c'est une très grave erreur qui oublie rapidement que beaucoup d'hommes peuvent aussi être des alliés plus précieux que certaines femmes, et inversement.
    Encore une fois, (décidément une habitude chez certaines personnes!) on tombe dans le piège du "groupe" tout en oubliant (volontairement ou non) les individus qui le composent.

    Car comme tu le conclues très bien, nous sommes des humain.e.s, avec les qualités et les défauts qui vont avec.
    La simple existence de la différence rend forcément inévitable les envies chez les voisins, et donc les conflits. C'est dans la nature du vivant de vouloir plus que ses voisins, c'est l'expression de l'entropie elle-même, et c'est pour canaliser tout ça que la société existe (oui, j'avoue être Hobbesienne sur ce point de vue).

    Imaginer que les femmes supprimeront comme par magie tous les conflits, c'est leur donner un pouvoir magique qu'aucune vie sur Terre n'a pu réaliser.
    Par contre, cela ne change en rien le fait que le monde a changé, tout comme la place des femmes, et le fait qu'elles ne soient pas parfaites ne doit en rien influencer le fait qu'elles aient droit à leur place et à leurs chances dans la vie professionnelle, au même titre que les hommes. Ne serait-ce que par pure logique d'efficacité professionnelle.

    On en revient toujours au même problème : réduire au maximum les stéréotypes, au lieu d'en créer de nouveaux.

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  4. Jorda, merci pour ton commentaire éclairé, dont je partage les analyses.
    Notamment sur la grave erreur de l'essentialisation systématique.
    Mention également à ta référence sur l'imaginaire pouvoir magique des femmes. Particulièrement pertinente ces jours-ci, où l'on a entendu vanter la puissance des "femmes qui jettent des sorts"...

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