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"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ? Jusqu'au jour où je suis tombée s...

Mâle blanc, femelle noire

Le titre de cet article vous met mal à l'aise.
Quelque chose ne va pas.Vous avez raison.

Immédiatement, vous pointez  "femelle noire".  Sexiste, raciste. 

Et "mâle blanc" ? 
Tout va bien ? 
Il y a pourtant à redire, et pas qu'un peu.

Ce titre vous embarrasse ?
Vous avez raison, rien ne va.
 
 
 
•  Essayez de désigner les femmes en général, ou une femme en particulier, par le terme de "femelle(s)".
Vous ne voulez même pas essayer. 
Le plus souvent, le mot "femelle" employé pour "femme" revêt une connotation péjorative, dégradante.
 
Ajoutez l'adjectif "noire", et l'expression devient carrément glauque, le malaise immédiat et total.
User des termes "femelle noire" pour désigner une femme ?  Autant adhérer au Ku Klux Klan.
Mal absolu, à bannir.
 
En parlant de mal, passons au mâle.
Celui-là, de préférence "blanc", c'est une vedette, que dis-je, une star.
Ni taboue, ni honteuse, elle ne rase pas les murs, au contraire.
Elle s'affiche, se revendique, s'invite partout. Sans complexe, sans racisme, sans sexisme.
Dans tous les médias, sur les réseaux sociaux, à l'oral, à l'écrit. Sa vie, ses œuvres, au menu, à la carte, matin, midi et soir.
De nombreuses personnalités (plus ou moins) médiatiques - hommes et femmes confondus - y vont de leur petite référence (révérence ?) au "mâle", blanc si possible. Il faut être de son temps.
 
homme et smartphone

 
Je vois venir vos objections : il ne s'agit pas de glorifier le "mâle blanc" mais de le critiquer.
Ces termes revêtent un sens négatif, renvoient à la domination masculine, au machisme, aux abus du patriarcat...
Ce n'est pas faux.
Le mâle, surtout blanc, est effectivement la bête noire (si j'ose dire) des féministes, considéré comme l'origine suprême du malheur des femmes, sans oublier celui du monde en général. Une calamité universelle, priée d'afficher profil bas pour le Grand Soir du Nouveau Monde. Celui qui est en train d'advenir, grâce en soit rendue à MeToo.
 
Il n'empêche. 
Aussi maléfique soit-il, le "mâle" renvoie à la puissance, à la force.
Aussi critiqué, vilipendé soit-il, il fait corps avec le pouvoir.
Détestable mais fascinant. Salaud mais costaud.
 
A l'inverse de la "femelle" (toutes nuances d'épidermes confondues).
Silence radio sur ce terme offensant. En toutes circonstances, mêmes favorables.
Ainsi, les participantes d'un collectif  féministe créé au sein d'un parti politique ont jugé utile de s'attribuer ce nom de guerre animalier : les "Louves Alpha".
Ces dames auraient pu répliquer au puissant et dominateur "mâle alpha" par de glorieuses "femelles alpha". Occasion loupée.
Négligeons la femelle humaine, cette triste petite chose humiliée. Préférons la louve.
Pas fières d'être femelles, les "féministes".
 
Multipliez les références colériques au "mâle" humain : votre contribution au combat pour un Monde Meilleur mérite une médaille. Deux si le mâle est "blanc".
Osez évoquer la "femelle" humaine : vous risquez l'accusation de misogynie. Assorti de lynchage si la femelle est "noire" (d'ailleurs, il faut dire "racisée").

La Grande Aube du Nouveau Monde est censée faire table rase des stéréotypes sexistes, gloire à Elle. 
Dommage qu'elle les alimente.
 
 
• Supposons une (fraction de) seconde que l'expression "mâle blanc" ne soit ni sexiste, ni raciste, à l'inverse de sa camarade "femelle noire".
Admettons que pour adoucir notre vallée de larmes, tous les moyens soient bons, y compris dénoncer le "mâle blanc" sans complexe ni état d'âme.
 
Que lui est-il reproché ? Trois fois rien. Des siècles de domination masculine, de patriarcat, d'oppression des femmes, des enfants, des damnés de la terre en général.
Le "mâle blanc", ce fléau. 
 
Le mettre hors d'état de nuire est essentiel, en priorité pour mettre fin à l'assujettissement des femmes, au machisme et autres violences sexistes et sexuelles (VSS pour les intimes).  
Grande Aube féministe, nous voilà.
 
Sauf que s'est peut-être glissé un petit, tout petit grain de sable dans cette machine de guerre sainte.
Trois fois rien. 
Le grand méchant loup  - couramment appelé mâle blanc - ne chasse pas en solitaire. Ses petits camarades sont légion.
 
Par exemple, le statut discriminatoire des femmes sous le régime islamique d'Iran, et dans les pays du Moyen-Orient.
Par exemple, leur privation de tous droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sous le régime taliban en Afghanistan.
Par exemple, la persistance des valeurs traditionnelles patriarcales pesant sur les femmes, en Chine, au Japon ou en Corée du sud.
Par exemple, leur situation encore et toujours inquiétante en Inde.
Par exemple, par exemple, par exemple...
 
Qu'en est-il du sort des femmes dans les sociétés occidentales, territoire traditionnel du "mâle blanc" honni ? Certes imparfait et parfois fragile, le statut féminin y est devenu meilleur que dans la plupart des contrées à haute densité en mecs plus ou moins "racisés".
C'est ballot.
 
On ne va pas chipoter pour si peu, quelques petites avancées des droits des femmes en Occident. 
De toute façon, stigmatiser le mâle blanc demeure capital, en sa qualité d'exploiteur, d'esclavagiste, de colonialiste. La misère du monde, c'est lui. Haro sur l'infâme.

Sauf que peut-être, se sont faufilés un ou deux grains de sable dans la machine de guerre.
Si peu de chose.
Le partage de l'exploitation débridée des êtres humains, cette triste manie, d'un bout à l'autre de la planète.
 
Par exemple, en Asie, croissance économique et multiplication des richissimes magnats d'industrie font bon ménage avec l'aggravation de la pauvreté et des inégalités sociales.
Par exemple, le travail et l'exploitation des enfants continue à prospérer, surtout en Afrique,  Asie, Pacifique, Amérique latine, Caraïbes.
Par exemple, esclavage et travail forcé persistent, notamment en Inde, Chine, au Pakistan, Népal, dans certains pays africains, au Moyen-Orient.
Par exemple, le Japon avait créé un empire colonial, dont l'expansion a pesé sur le déroulement de la seconde guerre mondiale.
Par exemple, par exemple, par exemple...
 
 
Peu importent les exemples, peu importe la complexité du réel.
Peu importent manichéisme et caricatures. 
Peu importe de stigmatiser des personnes pour leur couleur de peau.
Peu importe de dénoncer ou de minimiser les violences, notamment sexuelles, selon l'origine ethnique des auteurs.
Peu importe d'invisibiliser leurs victimes.
 
Peu importe s'il demeure de mauvais goût d'évoquer la "femelle noire".  
Il importe de brandir le scalp du "mâle blanc". Sésame pour un monde meilleur, sans sexisme, sans racisme. Juré, craché.

Le titre de l'article vous embarrasse ? Vous avez décidément raison. Rien ne va.
 
 
 

2 commentaires:

  1. Je constate effectivement que l'intersectionnalité du féminisme est (de mon point de vue) un échec et que les féministes devraient avant tout se concentrer sur... le féminisme. Même des féministes racisées disent que l'intersectionnalité est devenue "un féminisme blanc bourgeois". C'est dire!

    La haine des "mâles blancs" de certaines militantes les aveuglent complètement dans leur militantisme, et honnêtement je n'ai aucune envie d'être défendue par des gens comme ça qui choisissent leurs victimes et leurs agresseurs.
    (l'affaire Mila est pour moi un bon exemple. Certes la réaction raciste de Mila était condamnable. Mais tout le monde semble avoir oublié ce qui a provoqué cette réaction : une remarque lesbophobe et misogyne. Le féminisme c'est aussi de dénoncer ce que cette jeune femme avait subi.... mais non, apparemment le combat raciste l'emporte sur celui du sexisme... [parce que bien évidemment on peut pas faire les deux en même temps, et que pour enfoncer le clou, il faut donner raison à une personne lesbophobe...]
    donc non, je ne veux pas être défendue par des gens comme ça. Ça me fait même peur.)

    "Le mâle est la source de tous les problèmes.
    Les blancs sont la source de tous les problèmes."

    Ces personnes n'ont jamais voyagé, ou jamais ouvert un livre d'histoire...
    Ou qu'elles sont trop aveuglées dans leur précepte, à force de séparer absolument individu et système...., blanc et non-blanc..., elles qui veulent absolument "combattre le racisme" font ironiquement ce qu'elles dénoncent...

    Même chose concernant le fait de vouloir dénoncer telle ou telle chose par peur de récupération....
    (mais vous savez quoi ? Ça sera toujours récupéré par quelqu'un. Par contre, ça doit être bien pratique pour certaines personnes qui évitent certaines "épines dans le pied". Cet argument en devient donc hypocrite dans la bouche de la personne qui l'invoque).
    c'est une manière de penser qui a de grosses limites...

    Voilà l'une des raisons pour lesquelles je suis féministe sur le plan idéologique.
    Mais que je n'aime pas du tout le militantisme, notamment quand il débouche sur ce genre de choses...

    ps : désolée mais je me suis un peu trop chauffée sur le coup XD

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  2. Jorda, merci pour ton commentaire dont je partage entièrement les analyses !
    L'intersection du féminisme "intersectionnel" se révèle bien étriquée...
    Il y a de quoi s'énerver, tu n'as pas à être désolée :)

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