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"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ? Jusqu'au jour où je suis tombée s...

"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ?

Jusqu'au jour où je suis tombée sur cet article. Inquiet de l'appauvrissement du langage, l'auteur y développe un vibrant plaidoyer sur la nécessité de conserver la complexité de notre langue.

Au passage, cette phrase : " Supprimer le mot "mademoiselle" est non seulement renoncer à l'esthétique d'un mot, mais également promouvoir l'idée qu'entre une petite fille et une femme il n'y a rien".

L'affirmation n'est sans doute pas fausse, mais néglige cet infime détail :  "mademoiselle" n'a pas d'équivalent masculin usuel. Entre un petit garçon et un homme, qui y a-t-il ? " Rien" ?
 
 
"Mademoiselle", mot gracieux, léger, virevoltant comme une jupe d'été.
Esthétique en effet.
Y renoncer est-il féministe ? Y tenir est-il réactionnaire ? Ou l'inverse ? Ou autre chose ? 
 
 

 
Des féministes ont combattu "mademoiselle".
Puis obtenu un succès : l'utilisation du terme s'est raréfiée dans les formulaires administratifs.
Une circulaire ministérielle (non obligatoire) de 2012 y préconise la disparation progressive de "mademoiselle" au profit de "madame".
Avec un objectif précis et utile.
Bannir cette pratique discriminatoire et intrusive consistant à ficeler les femmes - et seulement elles - à leur statut matrimonial, à creuser, encore et encore, le fossé entre femme célibataire et femme mariée.
Comme dans d'autres pays, "Madame" pour toutes,"Monsieur" pour tous, et basta. Les femmes sont des messieurs comme les autres.
 

Dans la paperasse administrative, "mademoiselle" décline, tant mieux. A la trappe, le rappel constant du statut marital des femmes.
Mais dans le langage courant,"mademoiselle" résiste. Tant pis ? Tant mieux ? 
 

Au quotidien, "mademoiselle" se porte à merveille.
Les petites filles demeurent "mademoiselle". Et aussi les jeunes filles, et les jeunes femmes. Et... Plus rien.
Bref, dans la langue courante, "mademoiselle" se colle, très serré, à l'âge de sa destinataire. Plus précisément à sa jeunesse. A sa date de naissance supposée. A son degré de fraîcheur.
Bref, tu es (une fille) très jeune, tu es toujours "mademoiselle". Tu es jeune/assez jeune, souvent "mademoiselle". Tu l'es moins, te voilà souvent "madame". Plus jeune du tout, toujours "madame".
 
"Entre une petite fille et une femme", il y a effectivement quelque chose.
Il y a le passage du temps. Il y a "mademoiselle", son effacement progressif, irrévocable. Il y a "madame", son avancée progressive, inéluctable. Il y a le vieillissement.
Les années s'accumulent, "mademoiselle" recule.
Tic tac, tic tac, tic tac.
"Madame" avance.
Tic tac, tic tac, tic tac.
"Mademoiselle" disparaît. Dans son sillage, la jeunesse.

Mois après mois, semaine après semaine, jour après jour, "mademoiselle" rappelle aux filles, jeunes filles, jeunes femmes, femmes, l'âge qui vient. La disparition graduelle, parfois lente, toujours implacable de "mademoiselle".
A la fin, c'est toujours "madame" qui gagne. 


Et les hommes ?
 Ils vieillissent aussi bien sûr.
Tic tac, tic tac, tic tac. 
Mais du berceau au tombeau, "monsieur" règne, à peine concurrencé par un pâle "jeune homme", béquille désinvolte.
Comme s'il n'y avait "rien", ou presque, entre un petit garçon et un homme. 
 
 
Sans équivalent masculin digne de ce nom, "mademoiselle", infatigable, scande l'âge des femmes, leur déclin, leur vieillissement. Proclame que jour après jour, elles se fanent, dans un processus inexorable à peine ralenti par des crèmes anti-rides et autres illusions cosmétiques.
"Mademoiselle", c'est plaisant, et un brin sexiste.

Qu'en faire ? 
Le langage courant, vivant, ne se réglemente pas. 
Aucun décret n'en retranchera "mademoiselle", qui se porte d'ailleurs mieux que jamais.
Un magazine féminin et féministe en ligne l'a choisi pour titre. Paradoxal.
Trois artistes masculins et quinquagénaires l'ont adopté pour désigner leur trio. Amusant.
Certaines actrices, d'un âge avancé, persistent à se faire appeler "mademoiselle". C'est leur droit.
 
 
En définitive, "mademoiselle" se porte comme un charme. 
Tant pis ? Tant mieux ?
Le débat reste ouvert. Tant mieux.





Mademoiselle chante le blues - Wikipedia




 

2 commentaires:

  1. Hm en fait, je pense que ce qui blesse c'est principalement la différence de traitement entre les hommes et les femmes. On ne se poserait pas la question si les hommes avaient un équivalent.
    D'un autre côté, "mademoiselle" est porteur de certaines connotations, de certaines idées, certaines perçues négativement, d'autres un peu plus positivement.

    Effectivement, le mot peut plaire pour son sous-entendu de jeunesse, comme il ne peut pas plaire pour son sous-entendu d'infantilisation - "mademoiselle" signifie qu'on n'est pas encore "une """vraie""" femme".
    L'aspect "mariée/pas mariée" n'est plus trop évoqué dans ce mot, d'ailleurs. C'est surtout la jeunesse que désigne ce mot, aujourd'hui.
    Du coup, je peux comprendre pourquoi certaines personnes continuent à l'utiliser. Moi je n'utilise aucun des deux pour m'adresser à quelqu'un, j'utilise une alternative : "s'il vous plaît", quand j'ai besoin de demander quelque chose.
    Ca me rappelle aussi les petits livres pour enfants "Monsieur" "Madame", tiens...

    Finalement tant que les gens y trouvent leur compte... c'est le principal...

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    1. cathie4/03/2024

      Jorda, merci pour ton commentaire pertinent.
      Tu as très bien résumé la diversité des approches de "mademoiselle", aussi bien positives que négatives.
      Un peu de nuance dans ce monde dominé par le manichéisme et les opinions tranchées, cela fait du bien.
      Il m'a semblé que "mademoiselle" était l'occasion rêvée pour cette échappée.

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