Article mis en avant

"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ? Jusqu'au jour où je suis tombée s...

Le féminisme séparatiste, impasse rétrograde

Je ne sais pas pour vous.
Mais pour moi, le féminisme, c'est agir en faveur de relations aussi égalitaires, équitables, harmonieuses que possible, des femmes avec les hommes. Et vice-versa. 
Un boulot ardu, certes.

En revanche, pour certains (surtout certaines), le meilleur des mondes féministes, c'est sans les hommes.

Tout est bon dans le cochon, dit-on.
Mais tout est mauvais dans les porcs -  les hommes si vous préférez -, affirment les féministes séparatistes. Les relations hétérosexuelles ? Un enfer sexiste, pour les femmes.

Mesdames, faites le bon choix !
Pour votre salut et votre engagement féministe, réfugiez-vous dans le cocon des relations féminines !
 
Cet alléchant programme séparatiste détient-il la clé du paradis féministe ?
Ou bien, sous son habillage radical et révolutionnaire, dissimule-t-il un projet de société rétrograde ?


Le féminisme séparatiste vomit les relations hétérosexuelles, cet enfer sexiste

 

Fréquenter les hommes ? Attention ! Piège sexiste pour les femmes !
D'autant plus maléfique qu'il referme ses mâchoires en un clin d'oeil. Au premier regard.
Le regard masculin hétérosexuel, ou "male gaze".
Il réduit la femme à un "objet passif", constitue un produit de notre société patriarcale, provoque une asymétrie de pouvoir au détriment des femmes, base le désir sur la domination du corps féminin par le corps masculin, rabaisse les femmes.

Diable (si j'ose dire) ! C'est affreux, ce regard "masculin"...
Mais ouvrons les yeux : il y a mieux, ou plutôt pire.
 
Et il y a "mieux" encore.
Le régime de l'hétérosexualité fait partie du système patriarcal dont sont victimes les femmes, en constitue une pierre angulaire.
L'hétérosexualité, une simple orientation sexuelle ? Détrompez-vous ! Ce tabou du féminisme ne concerne pas principalement la sexualité !
Il est grand temps de cesser de voir l'hétérosexualité comme naturelle, pour la voir enfin comme une norme sociale
Il s'agit avant tout d'un régime politique, d'une fiction politique, d'un régime d'exploitation.
Non seulement elle est dangereuse pour les femmes qui subissent les violences au sein du couple, mais elle concerne tout un mode de vie participant à la domination masculine, un régime arbitraire du sexisme, sans oublier de constituer la cellule de base du système capitaliste mortifère...
 
 
Le - sinistre - tableau dressé, que faire ? C'est simple : le bon choix. 
Mesdames, coupez... les ponts avec les hommes.
 
 

Se séparer des hommes, clé du Meilleur des Mondes Féministes

 

Avant tout, les femmes doivent apprendre à se passer du regard des hommes.
Place au regard "féminin" et à ses vertus multiples. Le "female gaze" libère de l'inconscient patriarcal, des rapports de force, n'exclut personne, bannit les pulsions voyeuristes, repose sur l'égalité et le partage.

Se passer du regard des hommes : bon début mais le grand projet féministe exige bien davantage.
Se passer des hommes.
Voilà la phase déterminante, l'horizon ultime.

La relation hétérosexuelle ne vous paraît pas compatible ni cohérente avec vos convictions féministes ?
Vous souhaitez créer une situation plus saine dans ce monde machiste ?
En finir une bonne fois pour toutes avec l'insupportable ordre patriarcal ?
Il existe une méthode imparable.
Les amours féminines - et vos soeurs - vous tendent les bras.
Il suffit de se déconstruire, repenser les normes, sortir de l'hétérosexualité et de son implacable système de domination, fuir le couple hétérosexuel, s'en libérer, s'en extraire.
 
Oui, vous pouvez le faire. 
Non, vous ne pouvez pas objecter que vous êtes "née comme ça" (hétérosexuelle).
Rappelez-vous : il ne s'agit pas d'orientation sexuelle, mais avant tout d'une norme sociale. Assez de cette naturalisation de l'hétérosexualité ! Restituons aux femmes leur capacité d'action et de choix.
D'opter pour le bon choix bien sûr.
Rappelez vous : se définir comme féministe et hétérosexuelle revient en réalité à se soumettre au patriarcat, être complice du sexisme, du système hétéronormatif et de leurs innombrables méfaits à l'encontre des femmes.
 
Rappelez-vous : pas de combats féministes sans lutte contre l'hétérosexualité érigée en système

                                                    
Bon faisons un peu de pédagogie sur le fameux slogan de la discorde : "Le féminisme, c'est la théorie ; le lesbianisme, c'est la pratique" 
 
Ce rayonnant programme est supposé éclairer les jeunes générations féministes.
Il s'affiche révolutionnaire et utopiste. A la pointe de la modernité progressiste.
Mais se nourrit de principes rétrogrades.



Le féministe séparatiste, fausse utopie révolutionnaire, vrai projet réactionnaire

 
 
Le féminisme séparatiste n'est pas né d'hier, mais s'est développé dans les années 60 et 70, et jusqu'au début des années 80, avant de s'effacer.
Depuis quelques années, ce mouvement radical revient sur le devant de la scène, avec l'aide empressée de médias grand public, en mal de sujets choc, buzz, click.
Cette utopie féministe ferait son chemin. Vers une société plus moderne, progressiste ? 
En réalité, le projet "utopique" mène droit dans une impasse rétrograde.
 
De nos jours, il apparaît moderne de ne plus distinguer le masculin et du féminin, de s'affranchir de la binarité des sexes.
Place au non-binaire.
Place aux multiples identités de genre. En toute fluidité.
Soyons fous, soyons post-modernes.
Or, le féminisme séparatiste refuse les relations d'un genre avec l'autre.
Ce qui renforce la dualité entre féminin et masculin, érige des barrières, que dis-je, des barbelés, entre les deux sexes.
Pour la fluidité, on repassera.
Pour la post-modernité, on ira voir ailleurs.
 
Ce n'est pas tout.
 
Rompre avec le patriarcat suppose en principe d'affaiblir les stéréotypes genrés, alliés des comportements sexistes, de la domination masculine.
L'exigence d'égalité entre les sexes - pivot d'une société moderne - conduit ainsi à batailler contre les clichés genrés associant les femmes à la vulnérabilité, la douceur, la soumission, les hommes à l'autorité, la force, la domination.
Or, le féminisme séparatiste fige le genre masculin dans l'agressivité, la force, l'instinct de domination, la violence. Enferme le genre féminin dans la douceur, la bonté, le sens du partage.
Bref, loin de rompre avec les vieux stéréotypes sexistes, il renforce ces caricatures.
Loin de "déconstruire" l'ancien ordre social fondé sur l'opposition des sexes et l'asservissement de l'un par l'autre, il le consolide.
Le grand souffle de la modernité révolutionnaire tourne court, la régression sexiste respire mieux.

Ce n'est pas tout. 

Durant des décennies, des personnes ont lutté contre les discriminations et la stigmatisation liées à l'orientation sexuelle, pour faire reconnaître qu'être lesbienne, gay - ou bisexuel - n'est pas un choix, pas davantage que d'être hétérosexuel.
A l'issue de ces durs combats, les sociétés modernes ont fini par l'accepter : vous ne décidez pas de votre orientation sexuelle (seulement de la vivre ou pas), vous n'en êtes pas responsable, ni coupable.
Vous êtes gay ou lesbienne ou hétérosexuel ou asexuel ? Ou un peu tout cela ? 
Grand bien vous fasse, circulez, il n'y a rien à voir. Et aucune "thérapie", aucune "conversion" à vous imposer pour votre "bien", ni pour celui de la société.
Or, le féminisme séparatiste remet le "choix" de l'orientation sexuelle sur la table, et la culpabilité au menu.
Le choix d'être une bonne féministe ou pas. De trahir la Cause ou pas. D'être complice de l'Ennemi ou pas. De se soumettre au Mal (Mâle) ou pas.
Les récalcitrantes feraient mieux de s'éduquer. Le plus tôt sera le mieux, pour leur "bien" évidemment.
La grande perspective "utopique" promet un Grand Bond...en arrière. 

Ce n'est pas tout.

Une société moderne repose sur la difficile recherche de l'égalité femmes-hommes, elle-même fondée sur la mixité, ou même sur des tentatives - plus ou moins réussies - de parité.
Autrement dit, sur le mélange des genres, leur coexistence, certes pas toujours pacifique.
Or, par définition, le féminisme séparatiste prône l'inverse.
Sous couvert de protéger les femmes (ces faibles créatures) des mâles, son projet fleure bon les bonnes vieilles traditions sociétales sans mixité.
A l'aide d'un rétroviseur, reculons donc sur le chemin de la Grande Utopie.
 
 
 
 
Se passer des hommes ? Parfois, c'est un régal : "déjeuners de filles", virées shopping, soirées entre amies.
Parfois, une nécessité, plus ou moins durable : après une expérience douloureuse, un traumatisme. 
Parfois, une simple lassitude, provisoire ou non : un célibat reposant, un congé de séduction.
Parfois, une expérience sexuelle entre femmes, avec ou sans lendemain.
Et que sais-je encore.

Se passer des hommes, un jour, une semaine, un an, toute la vie : un droit, toujours.
Mais cela ne peut devenir une injonction culpabilisante à une rupture radicale des liens entre les genres, cette fausse utopie, vraie régression.




2 commentaires:

  1. Même si je pourrais comprendre cette réaction de ne plus vouloir des hommes (certains hommes font après tout pareil avec le mouvement MGTOW qui dit basiquement que pour qu'un homme vive heureux, il faut supprimer les relations avec les femmes - c'est donc à peu près la même logique de démarche), nous vivons dans un monde où nous vivons ensemble, et au contraire, séparer les hommes et les femmes, c'est à coup sûr le renforcement de tous les pires clichés qu'on s'est efforcé.e.s de déconstruire depuis des décennies.

    Même si je comprends que la souffrance provoquée par l'autre sexe pousse à se renfermer, réfléchir uniquement en cercle fermé, c'est le meilleur moyen de se fermer aux idées nouvelles qui pourraient relativer et/ou faire évoluer la réflexion commune. C'est le meilleur moyen de consolider les pires clichés. C'est la pire des choses à faire. Sans compter que c'est faire l'immense erreur de penser qu'il n'y a que des ennemis chez l'autre sexe et que des amis chez le notre, ce qui est absolument faux. Et pourtant, combien de personnes continuent encore et encore de tomber dans ce piège...

    Quant à l'hétérosexualité comme norme sociale, si c'est partiellement vrai dans le sens où c'est la seule qui soit vraiment acceptée (d'où les combats LGBT pour leur reconnaissance et pour qu'on arrête enfin d'agresser violemment les gens qui ne seraient pas hétéro; d'où aussi la nécessité de lever le tabou sur certain.e.s LGBT qui se sont sentis obligé.e.s d'avoir des relations hétérosexuelles pour ne pas être jugé.e.s), cela ne relève fondamentalement pas d'un choix. On ne choisit pas.
    Dire qu'on choisit, c'est justifier les pires horreurs, jusqu'aux thérapies de conversions dont les instigateurs pensent également que "ça se choisit". Dire qu'on choisit, c'est aussi la porte ouverte pour dire que si c'est un choix, alors on peut dire qu'un choix et bon ou mauvais (et là encore ça sert de justification aux pires horreurs).

    En luttant contre l'hétérosexualité, il y a le grand risque de se mettre à dos toute une partie de la population féminine (et masculine) qui aurait pu être du côté des féministes si le combat avait été orienté POUR la reconnaissance à égalité des relations LGBT, au lieu d'être CONTRE l'hétérosexualité (qui ne se choisit pas). C'est une vision binaire dangereuse. D'autant plus que les relations LGBT ne sont absolument pas à l'abri des violences conjugales (selon les rares recherches sur le sujet, le ratio serait grosso modo le même que pour les relations hétéro).

    Tout ça pour conclure : globalement d'accord avec ton constat. On peut tout à fait comprendre qu'individuellement, une femme ne veuille plus fréquenter d'hommes (et inversement aussi) pour des raisons compréhensibles (notamment les traumatismes suite à des violences), mais cela ne justifiera jamais une injonction au refus de l'hétérosexualité.

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ton commentaire circonstancié, qui complète utilement l'article.
    Nous sommes sur la même longueur d'onde !

    RépondreSupprimer