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"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ? Jusqu'au jour où je suis tombée s...

La vie des hommes, quantité négligeable ?

Vous venez de lire le titre de cet article.
Vous suffoquez d'indignation/ de stupéfaction/d'incompréhension.
Assez de pleurnicheries masculines ! La condition des femmes est pire ! Violences ! Patriarcat ! Oppression ! Etc.
 
Respirez à fond. 
Bien sûr, les femmes souffrent et subissent d'intolérables et nombreuses oppressions, dont il est indispensable de se préoccuper.
Qui songe à nier cette évidence ? Peu de monde, tant mieux.
 
Ce qui n'empêche pas ce constat : les premières victimes  de violences physiques, morts violentes sont souvent des hommes.
Celles que subissent les femmes concentrent pourtant attention, émotion, réactions. 
 
Pourquoi la vie des hommes semble-t-elle peser moins lourd ? Leurs souffrances être moins graves ?
Ce phénomène - à première vue - bienveillant pour les femmes peut s'expliquer par des facteurs divers mais réunis par un point commun : des réflexes sexistes et bien peu féministes. 


La vie des hommes pèse moins lourd que celle des femmes


- guerres
Depuis des temps immémoriaux, les hommes (au sens humains de sexe masculin) sont supposés avoir vocation à être courageux, partir à la guerre, y mourir ou y subir des souffrances aussi variées qu'atroces. 
A ce jour, l'obsession paritaire hommes-femmes ne semble pas avoir atteint le secteur militaire.
Les femmes n'en sont pas moins considérées comme les premières victimes des conflits, avis partagé par une ancienne candidate à la présidence des Etats-Unis qui a déclaré en 1998 que "les femmes ont toujours été les premières victimes des guerres" pour la raison qu'elles y perdent maris, pères et fils...
 
Australia soldier war


- meurtres de masse
Ce sont les femmes et enfants victimes de ces tragédies que médias, organisations humanitaires, pouvoirs publics mettent en avant, même lorsqu'elles frappent en majorité  hommes et adolescents. Par exemple : génocide au Rwanda (1994), massacres de Srebrenica (1995), du Kosovo (1999), du Mexique (2006-2012), enlèvements et meurtres d'amérindiens.
De même, émotion et indignation - justifiées - ont saisi la planète après l'enlèvement de plus de deux cents lycéennes (2014) par un groupe terroriste (Boko Haram). Auparavant, dans l'indifférence générale, cette organisation avait commis enlèvements et assassinats  à l'encontre de jeunes garçons (parfois brûlés vifs) .
Bien plus nombreuses qu'on ne l'imagine, les victimes masculines d'exactions sexuelles perpétrées durant les conflits armés demeurent pourtant méconnues. (Ce tabou sidérant sur ce phénomène massif sera documenté dans un article ultérieur du présent blog).

- criminalité
Les hommes courent beaucoup plus de risques que les femmes d'être assassinés, avec des taux de mortalité imputables à des meurtres quatre fois plus élevés. Les hommes risquent également davantage d'être tués par la police ou de subir des violences physiques.
Cependant, les violences faites aux femmes concentrent attention médiatique, indignation, compassion, actions de prévention.
Par ailleurs, les coupables d'agressions, violences diverses et meurtres tendent à recevoir des sanctions pénales plus lourdes lorsque leurs victimes sont de sexe féminin.

- santé 
L'espérance de vie des hommes est inférieure à celle des femmes, surtout depuis le début du vingtième siècle, et ce, dans la quasi-totalité des pays, indépendamment des différences de modes de vie, revenus et condition féminine.
Cette inégalité mondiale et persistante (quoique tendant à se réduire) ne suscite qu'un vague intérêt poli. Les passions commenceront-elles à se déchaîner le jour où, dans un pays quelconque, la courbe s'inversera en défaveur de la gent  féminine ?
Par ailleurs, les hommes se suicident plus souvent que les femmes, presque partout dans le monde. Sur ce thème, discrétion de rigueur, ou même désinformation pure et simple : les femmes - certes plus nombreuses à tenter de se suicider - sont présentées comme étant plus concernées par les comportements suicidaires.
A ce jour, la médiatisation des campagnes de prévention contre le cancer reste discrète pour le cancer de la prostate, premier cancer masculin, et le cancer des testicules, premier cancer chez les hommes jeunes. Cette médiatisation est plus visible  pour la prévention du cancer du sein, le plus meurtrier chez les femmes.

- monde professionnel
Les métiers dangereux demeurent encore en majorité exercés par des hommes, principales victimes des accidents mortels du travail, qui échappent aux projecteurs médiatiques et politiques, concentrés sur les discriminations subies par les femmes au travail.

Morts violentes et souffrances masculines semblent normales, naturelles, celles subies par les femmes, une anomalie choquante.
Paradoxal dans un monde supposé régi par l'oppression masculine sur les femmes ? Pas tant que cela.
Le phénomène se révèle plus logique qu'il n'y paraît, à l'examen de ses justifications possibles, tout à la fois diverses et réunies par de solides normes genrées, très peu féministes.


La vie masculine, quantité négligeable : principe nuisible aux hommes et défavorable aux femmes ?


La mort et la souffrance masculines soulèvent peu d'intérêt, voire demeurent ignorées.
Pour expliquer ce phénomène, il existe diverses raisons possibles.
 
Sans surprise, par crainte d'une "invisibilisation" des souffrances féminines, les féministes n'apprécient pas la mise en avant des victimes masculines. 
Tout en étant rejointes, dans ce registre, par des alliés de poids : les hommes eux-mêmes.
Ceux-ci rechignent souvent à se considérer comme des victimes, à admettre faiblesse et vulnérabilité, à accepter aide et assistance.

Autre argument :
Les hommes étant le plus souvent victimes d'autres hommes, leur sort mériterait moins d'attention que les violences sexistes infligées aux femmes, en général ciblées - par des hommes - du fait de leur genre.
Une double observation sur ce raisonnement :
D'une part, les violences infligées à des hommes ou adolescents, en particulier durant les conflits armés, constituent parfois des tactiques dirigées contre leur masculinité, pour les rendre incapables de remplir leur rôle social.
D'autre part, en toute hypothèse, serait-il légitime de passer sous silence des victimes pour la raison que les violences subies ne seraient pas sexistes ?
 
Une approche voisine considère les hommes comme des victimes naturelles de la violence, des va-t-en-guerre qui récoltent ce qu'ils ont semé. En gros, les représentants du genre masculin, ces oppresseurs, agresseurs, ont bien cherché ce qu'ils endurent. Leurs éventuelles souffrances ne sont pas si graves.
Contrairement à celles des femmes, victimes innocentes, comme les enfants.
 
D'ailleurs, une autre hypothèse s'appuie sur ce rapprochement entre femmes et enfants, lié à leur ressemblance physique plus marquée (néoténie), qui favoriserait des réflexes protecteurs.
Sans compter l'hypothèse de la différence de force physique, moins forte chez les femmes.
Selon une autre explication, le potentiel reproductif des femmes, plus limité que celui des hommes, inciterait les sociétés à les protéger.
 

Parmi toutes ces explications, comment identifier les plus déterminantes pour justifier la moindre importance des vies masculines ? Plus d'études seraient nécessaires sur ce sujet délaissé.
A ce jour, la réponse demeure donc floue sur l'impact respectif des théories explicatives. Un élément limpide toutefois : le point commun entre elles. Un tout petit point. Trois fois rien.
Elles associent les hommes à la force, l'agression, le pouvoir, la domination, attributs virils d'une "nature" masculine.
Les femmes à la passivité, la vulnérabilité, le besoin de protection.
Elles perpétuent la dualité entre sexe fort (devinez lequel) et sexe faible (idem).
 
La moindre importance des vies masculines nuit aux hommes tout en résultant de valeurs patriarcales défavorables aux femmes. Lesquelles constituent, en définitive, un piège pour les deux sexes.


Combattre l'oppression, parfois féroce, subie par les femmes, partout où elle sévit ? Bien sûr !
Tenter de réduire les souffrances féminines, dans toute la mesure du possible ? Cela va de soi.
Tout en négligeant celles des hommes ? 
Parfait ! Pour maintenir en forme...préjugés sexistes, guerre des sexes.
Tout le monde y perd, y perdra.
 



2 commentaires:

  1. effectivement, j'ai toujours trouvé la désinhibition de ce genre de paroles haineuses très perturbantes et inquiétantes.
    J'avais entendu aussi dire les propos de l'ancienne présidente qui sont à peine réalistes.
    J'avais aussi eu des propos d'anciennes élèves du style "heureusement que des millions d'hommes sont morts à la guerre, ça a fait plus de places aux femmes". Décomplexées. J'avoue que ça me fait honte, j'ai pas envie qu'on m'associe à ces femmes-là.

    J'avais aussi remarqué le fait que parfois, ça semblait presque "normal" que des hommes meurent à la guerre (cela fait écho à cette "violence naturellement subie" dont tu parles), tandis que quand c'est des femmes, on recherche davantage le sensationnel médiatique.

    Même chose pour les sanctions pénales effectivement.

    Egalement étonnée qu'en parallèle du cancer du sein, aucune prévention ne soit faite pour les cancers masculins. Certains hommes ne se doutent apparemment même pas qu'ils pourraient avoir un problème, et j'ai parfois entendu dire qu'ils apprenaient que très très tard qu'ils auraient du consulter. Ce n'est effectivement pas normal.
    On parle tout naturellement de visites chez le gynécologue pour nous, mais je trouve effectivement très anormal qu'on ne parle pas de visites chez l'urologue pour les hommes. Selon moi, ça devrait être également la norme.

    L'argument de la crainte de l'invisibilisation, aidé par le silence des hommes eux-même est une évidence, malheureusement.
    Ajouté à cela le fait que c'est mal vu pour un homme de se plaindre. Ou que selon certains malades de twitter/facebook, les victimes - quelles qu'elles soient - méritent leur sort car n'ont pas assez fait pour s'en sortir (encore une fois, le/la coupable ressort vierge de tout reproche, comme par magie).

    Ta conclusion est très juste, où on en revient encore et toujours aux stéréotypes sexistes, parfois défendus par certain.e.s féministes elleux-mêmes. Pourtant il faudra bien qu'un jour, ça s'arrête...

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  2. Merci Jorda pour ces commentaires, auxquels j'adhère !
    La prévention des cancers masculins n'est pas inexistante, mais elle demeure si peu médiatisée que cela revient presque au même...

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