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"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ? Jusqu'au jour où je suis tombée s...

Ecriture inclusive, machine à exclure

A quoi sert l'écriture inclusive ?

A sauver le monde, ou presque. 
Plus précisément à : 
contribuer à l'égalité hommes-femmes (oups, femmes-hommes), rééquilibrer la représentation des femmes, rétablir la parité dans l'écriture, la place du féminin dans la langue française etc.

Vaste et beau programme, reluisant de bonnes intentions.  
Comme l'enfer.

Aïe. A ce stade, vous voyez venir les critiques acerbes.
Vous avez raison.
Autant le préciser immédiatement, les récriminations se concentreront sur le procédé du point dit médian (ou point milieu), efficace machine à exclure.


J'entends déjà les protestations outrées : l'écriture inclusive ne se réduit pas au point médian ! 
Certes, mais dans l'écriture inclusive, notre petit point tient un grand rôle !  

 Le point médian  : pivot de l'écriture inclusive


Ce sont ses propres défenseur.e.s, partisan.e.s et autres militant.e.s qui l'affirment.

A commencer par leur théoricienne en chef, Eliane Viennot : l'usage des points médians met en valeur les nouvelles formes d'écriture égalitaire, permet d'investir frontalement l'enjeu discursif et social de l'égalité femmes hommes.
Rien que ça...
Bref, notre bon point : un atout central pour inclure systématiquement le féminin dans la langue française.
A ce titre, il constitue l'une des règles principales pour abattre la domination masculine qui sévit dans notre belle langue, grâce à  l'inclusion des deux genres dans les termes et expressions au pluriel.
Poinçonnez les mots au pluriel, vous contribuez à l'égalité des sexes ! 

Militants associatifs, humanitaires, universitaires, vous affirmez adhérer à la cause féministe ?
Adhérez au point médian ! 
Collectivités territoriales, vous vous lancez dans le combat pour l'égalité femmes-hommes ?
Armez-vous de l'écriture inclusive !
A cette occasion, asseyez-vous sur la circulaire du 21 novembre 2017 (confirmée par le Conseil d'Etat) qui proscrit ladite écriture dans les textes officiels. (Cette interdiction sera-t-elle confirmée par le législateur ?)
Mais criblez vos documents officiels de petits plombs. Je veux dire de points médians...
On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, ni d'écriture inclusive sans hacher menu les textes.
 
 Le point médian joue donc la vedette de l'inclusion. Cela pourrait être formidable.
S'il ne contribuait pas à exclure.Ce qui est regrettable.
 

 Le point médian, acteur d'exclusions...

 

 Notre petit point fait preuve d'une redoutable efficacité.
Pour exclure.
 
- Les personnes handicapées.
Plus précisément les personnes aveugles ou malvoyantes. 
Le point milieu leur oppose un obstacle majeur à la lecture de textes, notamment lorsqu'elles utilisent des dispositifs de synthèses vocales.
Les messages en écriture inclusive comprenant ce signe graphique représentent purement et simplement une régression des droits des personnes en situation de handicap.
Inclusif, le point médian ?

- Les personnes affectées de troubles des apprentissages du langage (les troubles "dys").
En particulier en matière de dyslexie (trouble de la lecture et de l'orthographe) dont seraient atteints environ 5 % des enfants, ou de dysphasie (trouble du développement du langage oral).
L'usage du point milieu représente pour eux une difficulté supplémentaire, complique la lecture.
Inclusivité éblouissante du point médian...
 
- Plus généralement, toutes les personnes en difficulté d'apprentissage de la langue française, enfants ou adultes, ou qui possèdent un faible niveau de lecture et d'écriture. Le système du point médian leur inflige une barrière supplémentaire à la compréhension des textes.
Sans parler des complications de la saisie informatique de ce signe typographique.
Sous sa forme pointée, l'écriture inclusive "égalitaire" risque de creuser les inégalités sociales, dans toutes les classes d'âge. 
Le point médian inclusif ? 
Plutôt un phénomène élitiste, qui concerne une frange étroite de la population, habituée à un rapport quotidien avec l'écrit.

- les personnes qui ne se définissent pas par leur appartenance exclusive à un genre (personnes non-binaires, transgenres...)
En effet, l'écriture inclusive, en particulier dans sa forme "point médian", renvoie à une dualité permanente et intangible entre masculin et féminin, qu'elle oppose et dissocie avec obstination.
Exclusif encore et toujours, notre petit point ! 
 
Cliver, discriminer, séparer.
Cela finit par en faire du monde, sur le banc de touche du terrain "écriture "inclusive".

Ce qui n'empêche pas les supporters de Super-Point de gémir : pourquoi tant de haine contre lui ? 
Pourquoi en effet ? Quel épais mystère... Quelqu'un pour éclairer les "inclusifs" (les inclusi.ves.fs) ?
 

...qui fait pression

 
En réalité, les inconvénients du point médian sont si flagrants que certains de ses adeptes tentent d'en arrondir les angles (si j'ose dire).
Leur papesse précitée, Mme Eliane Viennot, préconise à tour de bras.
Il faut :
ne pas mettre des points médians partout ! (nulle part serait l'idéal à mon sens, mais qui suis-je pour juger ?) ;
- en limiter l'usage aux termes dans lesquels le cumul féminin-masculin est simple à lire ;
Mme Viennot préconise dans le désert...
(Parmi d'innombrables) exemples :
citoyennes.ens lobbystes d'intérêt commun
front populaire - panneau


Autre tentative d'apaisement : détendez-vous, le point litigieux n'est pas obligatoire !
Il s'agit d'une simple préconisation ! (encore une...).
Nous voilà rassurés (rassuré.e.s). 
Le poinçonnage "inclusif" des mots est total optionnel, totalement.
Si vous ne l'utilisez pas, s'il vous paraît trop compliqué ou discriminant, personne ne vous en voudra. Liberté, choix, égalité.
 
Mais sachez que :
Si vous commettez l'imprudence d'écrire dans certains médias un texte dépourvu de points "inclusifs", attendez-vous à leur ajout après coup - sans votre consentement ;
Lire la version francophone d'une célèbre plateforme de distribution de jeux en ligne vous expose à un texte criblé de points médians, cela sans échappatoire ;
Certains enseignants commencent à accorder des points bonus aux étudiants pour l'usage de l'écriture inclusive.
D'une manière générale, utiliser le point médian démontre votre adhésion à la cause féministe.
 
Vous tenez néanmoins à émettre doutes et critiques sur le signe typographique   magique ? Libre à vous.
Vous risquez seulement soupçons/accusations/condamnations pour antiféminisme, misogynie, conservatisme, machisme, masculinisme, et j'en passe.
Ou bien on se penchera sur votre cas, petite chose en perte de repères patriarcaux : auriez-vous perdu la raison ?
 
Heureusement, le point médian n'est jamais obligatoire. Aucune pression. Respirez.


 
La langue n'est pas figée et peut contribuer aux évolutions sociétales vers plus d'égalité, notamment entre hommes et femmes.
Trouvaille "inclusive", le point médian contribue surtout à aggraver inégalités et exclusions en tous ...genres.
Sur la défensive, ses adeptes les plus lucides se résignent à recommander son utilisation parcimonieuse, et même en dernier recours.
Sage recommandation.
Il est légitime de s'interroger sur la place et le rôle des genres masculin et féminin dans la langue. 
Il est regrettable d'y inclure des machines à exclure.




3 commentaires:

  1. Alors c'est vrai que moi-même je les utilise.
    En général, je les utilise quand la morphologie du mot le permet.
    Exemple du panneau de signalisation plus haut =>
    Je vais effectivement écrire "assistant.e.s" car le mot le permet.
    Je l'utilise aussi parfois en cours de fac pour rappeler quels sont les mots féminins qui n'ont besoin que d'un E à la fin (ça va plus vite que de réécrire deux fois le mot, et c'est aussi plus facile de s'en souvenir. Dans ce cas, j'écris le ".e" dans une couleur différente pour bien marquer le féminin.)
    Par contre, je n'écrirai jamais "acteur.trice", je vais au contraire réécrire le mot deux fois si vraiment il le faut => "acteurs / actrices".

    Je vais employer le point (pas médian, mais le point final, ça va beaucoup plus vite; comme tu l'as fait dans l'article) pour le féminin et le pluriel, donc, si on ne change pas la morphologie du mot.

    Après, ce ne sont pas les seuls instruments pour essayer de rendre la langue plus égalitaire : utilisation de mots qui englobent clairement hommes et femmes sans discussion (par exemple "humain" au lieu de "Homme"), accords de proximité, féminisation des noms de métier (ou masculinisation si besoin, pour des métiers dit "féminins") etc...

    Après, je reconnais aussi que c'est loin d'être facile pour tout le monde, et si vraiment il fallait un peu présenter cette écriture alternative, je dirais pas avant le lycée (voire la fac). Tous les cas que tu cites sont justes, et effectivement, excluent beaucoup plus qu'ils n'incluent, et sont un outil élitiste, je suis assez d'accord.

    Après, personnellement, j'utilise le point médian par forcément par idéologie, mais parce que je ressens le besoin d'indiquer que tout le monde, femmes et hommes, sont dans le mot que j'utilise, et que de mon point de vue, c'est important de le rappeler.
    Par exemple, en parlant de violences conjugales, notamment envers les hommes, l'écriture inclusive est susceptible de rassurer un peu les hommes victimes sur le fait qu'ils sont aussi pris en compte (en tout cas sur le papier). Comme ici avec "auteur.e.s de violences conjugales" :
    https://www.morbihan.gouv.fr/Politiques-publiques/Droits-des-femmes-et-egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes/Violences/Auteur-e-s-de-violences
    Et je t'avoue que quand j'ai vu ça, dans un coin de ma tête, je me suis dit que je préfère voir ça en écriture inclusive plutôt qu'au féminin seul.

    D'accord aussi avec une certaine intolérance de certaines militantes en mode "100% avec nous, sinon vous êtes contre nous" qui est très fatigante.
    Je pense effectivement qu'on devrait laisser le choix aux personnes de l'utiliser ou non. Après, il a des défauts, mais dans certaines situations, il peut aussi avoir ses avantages.

    Voilà voilà pour mon petit avis =)

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  2. Merci Jorda pour ton commentaire circonstancié.
    Contrairement à toi, les adeptes du point médian en font le plus souvent un usage déraisonnable, un symbole de leur ardent engagement féministe, sans admettre de critique sous peine de soupçons/accusions d'antiféminisme primaire.
    Ton exemple d'inclusion sur les auteurs de violences conjugales m'intéresse, cela ne te surprendra pas.
    Un résultat similaire pourrait cependant être atteint avec de simples parenthèses ou le signe /.
    Le point médian pourrait à la rigueur être acceptable, à mes yeux, s'il se contentait de cette place secondaire, au lieu de constituer actuellement un rouleau compresseur idéologique, utilisé à tort et à travers, au détriment de très nombreuses personnes.


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  3. C'est vrai, mais je trouve que le point est plus discret que le autres signes. Peut-être que les parenthèses sont un peu plus claires à lire, mais le point est plus rapide à écrire =)

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