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"Mademoiselle", ou l'âge des femmes

 Longtemps, j'ai tourné autour du terme "mademoiselle". En parler dans le blog, ou pas ? Jusqu'au jour où je suis tombée s...

Violences conjugales : bonnes et mauvaises victimes (1)

Si l'on vous parle de violences conjugales, à quoi pensez-vous ?
Enfin, c'est évident !
A un sale type qui s'en prend à sa femme !




Ce n'est pas faux. Et même souvent exact.
Mais pas tout le temps. Pas toujours.
A bas les évidences.


Violences conjugales et violences faites aux femmes (par des hommes) : la fusion-absorption


 - En la matière, les pouvoirs publics donnent le ton, haut et fort :


En 2019, par exemple, ils ont lancé un Grenelle contre les violences conjugales, ouvert le 3/9/19.
Cette date correspond à un choix très précis.
Celui de faire écho au 3919, numéro d'appel national pour "les femmes victimes de violences",
Et la date de clôture du Grenelle ?
Fixée avec soin au 25 novembre 2019.
Qui correspond à la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Le Grenelle affiche des objectifs tout aussi explicites : 
Renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes, par divers moyens :
Faire connaître le numéro d'urgence 3919 consacré aux femmes victimes de violences,

Créer des places supplémentaires d'hébergement et de logements d'urgence pour les femmes victimes, Favoriser l'accès pour celles-ci à la garantie gratuite Action Logement,
Identifier les dysfonctionnements dans les commissariats et gendarmerie pour l'accueil des femmes qui viennent porter plainte.

(la loi du 28 décembre 2019 "visant à agir contre les violences au sein de la famille" avait pour objet initial, au début des travaux parlementaires, d'agir contre "les violences faites aux femmes"

Et avant le Grenelle "3/9/19" ?
Les campagnes de mobilisation nationales ou territoriales contre les violences conjugales poursuivaient déjà une seule et même ambition :
Lutter contre les "violences faites aux femmes", commises par des compagnons masculins.
Parmi de (nombreux) exemples :
 En 2004 en Seine-Saint-Denis, en 2008 et 2013, à l'aide de messages vidéos "choc", en 2011, "Osez en parler" incitait les femmes à témoigner et porter plainte, en 2018, la Métropole européenne Lille lançait une campagne de prévention.


- Les médias renvoient un son de cloche identique :

Ils nous annoncent que les victimes sont des femmes, les coupables des individus masculins.
Ils nous informent :
du nombre de femmes victimes de violences conjugales depuis début 2019. MAJ : ou en 2020,
de celui des femmes tuées par leur conjoint ou ex-compagnon,
Ils nous alertent sur la nécessité d'agir pour qu'aucune femme ne soit plus jamais seule dans le combat contre ces violences,
Ils nous révèlent l'enfer des violences conjugales subi par les femmes battues,
la puissance de l'emprise psychologique qu'elles subissent,
Ils nous invitent, "au nom des femmes", à briser le tabou des violences conjugales", à laminer les idées reçues à ce sujet.


Quant aux centres d'accueil et d'hébergement de victimes de violences conjugales, si vous lancez à ce sujet une  recherche internet sur un moteur de recherche bien connu, vous obtiendrez un résultat net et précis :
Ces structures - nécessaires - sont destinées aux femmes.


Violences conjugales : la diversité réelle des victimes (et des auteurs)



J'entends déjà les récriminations en réaction au petit catalogue du paragraphe
précédent :
"Et alors, où est le problème ? Puisque les femmes sont les premières victimes des violences conjugales ! "

En effet, elles sont les premières victimes, les statistiques sont éloquentes.

Entre 2010 et 2015, elles représentent 74 % des victimes de violences conjugales (INSEE).
Entre 2011 à 2017, elles en constituent 72 %  (Haut Conseil à l'égalité hommes-femmes).
Elles représentent environ 80 % des victimes de meurtres au sein des couples (Observatoire national des violences faites aux femmes).


Elles sont les premières victimes, mais pas les seules, les statistiques sont éloquentes.

Entre 2010 et 2015, 26 % des victimes de violences conjugales sont masculines (INSEE), 28 % entre 2011 à 2017 (Haut Conseil à l'égalité hommes-femmes).
Selon les rapports publiés par l'Observatoire National de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) :
- en 2009-2010, 663 000 femmes ont été victimes de violences conjugales, et 280 000 hommes,
- en 2012-2013, 398 000 femmes, et 149 000 hommes,
- en 2016, 530 000 personnes, dont 130 000 hommes.
- en 2015-2016, la proportion de femmes victimes de violences conjugales est estimée à 1,9 % et celle des hommes à 0,7 % (ONDRP, victimation 2016, décembre 2017, p. 77).

MAJ : selon le rapport d'enquête CVS 2019 - Ministère de l'Intérieure-INSEE :
- en 2011-2018, les femmes représentent 72 % des victimes de violences conjugales, les hommes représentant donc 28 %.

Sans oublier que les hommes osent porter plainte (beaucoup) plus rarement encore que les femmes.


C'est renversant ! Il existe donc aussi des hommes victimes.
Réalité qui ne date pas d'hier, nous rappelle une historienne du droit et des institutions, Victoria Vanneau ("La paix des ménages, histoire des violences conjugales, XIXe-XXIe siècle").
Ces victimes-là sont certes minoritaires, mais ni exceptionnelles, ni même rares.
Elles sont pourtant oubliées, ignorées, déniées.
Disparues.
La dénonciation des violences conjugales est devenue celle des violences contre les femmes, par des hommes.
Silence sur les violences faites aux hommes par leurs compagnes.
Ou par leurs compagnons.
Ou sur les violences faites à des femmes par leurs compagnes.
Silence.
(MAJ :  la loi du 28 décembre 2019 "visant à agir contre les violences au sein de la famille" avait pour objet initial, au début des travaux parlementaires, d'agir contre "les violences faites aux femmes". Voilà un début de commencement de prise de conscience de la diversité des victimes)

D'où vient ce tabou sur ces "mauvaises" victimes ? Il n'a pas surgi du néant.
Bien au contraire. Pour l'expliquer, vous avez l'embarras du choix.
Entre un assortiment de raisons variées, complémentaires, et très discutables.

En outre, voici une cerise sur le gâteau.
Ignorer les "mauvaises" victimes ne profite même pas au "bonnes", c'est-à-dire aux femmes...


Je développerai ces thèmes dans la seconde partie.

(A suivre)




4 commentaires:

  1. Chère Cathy,
    Merci pour vos réflexions que je trouve tout à fait intéressantes. Il est effectivement déplorable qu'une partie non négligeable des victimes de violence conjugale soit effacée de la sorte. Je vous suis surtout reconnaissante de donner les sources des chiffres cités, c'est une pratique malheureusement fort rare sur le net!
    J'ai hâte de lire la suite de votre article...
    Et sur ces bonnes paroles, je m'en vais continuer ma visite de votre blog.

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    1. Chère Guenièvre,
      Merci pour votre commentaire !
      Le sujet de l'article est sensible. Il me paraît important de le mettre en lumière, avec combativité mais en demeurant crédible. Ce qui suppose effectivement une base de départ fondée sur des sources aussi fiables que possible.

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  2. Très bon rappel sur un sujet important mais malheureusement tabou effectivement. Autant les femmes sont les premières concernées par ces violences, autant toutes les victimes quelles qu'elles soient ont le droit à être écoutées et protégées.
    Merci pour ton travail!

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  3. C'est exactement comme tu dis.
    Merci à toi pour ton commentaire et ton soutien !

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