Cet été, j'ai passé la majeure partie de mes vacances dans le sud de la France (je sais, c'est d'une folle originalité).
En général, durant cette parenthèse estivale, je lis la presse régionale.
Nouvelles locales, information, détente.
Une fin de semaine, j'attaque "Femina", l'un des suppléments week-end de "Nice-Matin" (quotidien diffusé dans les Alpes-Maritimes).
En couverture, un article m'accroche l'oeil : "Ces pères qui réinventent leur rôle". Dans les pages intérieures, le titre devient "Les nouveaux papas ne sont pas des mamans bis".
On n'en finit plus de découvrir des "nouveaux papas", mais je lis tout de même pour découvrir ce que ceux-là ont dans le ventre.
J'émerge de ma lecture pour le moins crispée, irritée. Adieu la détente !
Pourtant, au début, cela commençait bien. Ou pas trop mal.
L'article nous parle d'un "atelier du futur papa" créé en 2014 par un ...papa, destiné aux nouveaux et futurs pères.Un peu gadget peut-être, mais pas idiot finalement.
Discussions, exercices pratiques, convivialité.
C'est sympa de voir ces hommes s'impliquer dans la paternité.
Après la pratique, un peu de théorie : l'article cite une anthropologue (Anna Machin), apparemment spécialiste des "nouveaux" pères.
La dame nous assure que tout en restant attachés à leurs rôles ancestraux (protection, subsistance), les pères s'intéressent désormais aussi aux "soins directs" autrefois réservés aux mères : courses, nourrissage, habillage, bain.
Elle précise que pour ces papas nouvelle formule, le père idéal est un "coparent qui peut tout faire" et qu'ils ont compris l'importance de "la présence du père".
Sans révolution, en douceur, "Femina" et ses nouveaux "nouveaux" pères paraissent combattre les stéréotypes qui enfermaient pères et mères dans des rôles rigides.
A ce stade de ma lecture, je suis donc sereine.
Malgré un bémol.
Le créateur de "l'atelier du futur papa" précise que ses participants souhaitent s'engager "dans un processus de paternité active" - bravo ! - oui, mais "sans se féminiser". C'est "leur grande terreur".
L'atelier rassure ces messieurs : on peut être "un papa proche de son enfant" sans pour autant perdre "sa virilité". Ouf !
La féminisation, quelle horreur. Vous n'imaginez tout de même pas qu'on puisse trouver le moindre milligramme de féminin chez un mâle, un vrai ?
Le meilleur restait toutefois à venir, avec le dernier paragraphe de l'article intitulé "la nature fait bien les choses".
Tout d'abord, les pères sont invités à "se rassur(er)" - à nouveau. Que de peurs pour ces hommes virils...
Il est rappelé que les bébés font la différence entre "un contact paternel et maternel".
Et pourquoi donc ? Je vous le donne en mille :
"Pilosité, odeur, intonation de la voix, tout est différent".
Sans blague ? Les hommes ont plus de poils et une voix plus grave que les femmes ?
On en apprend, des choses...
Ensuite, l'analyse prend de la hauteur scientifique, et parole est rendue à notre experte en nouveaux pères.
Qui nous apprend qu'après régulation de diverses hormones (dont la bonne vieille testostérone) chahutées par l'accouchement, les pères retrouvent par la suite "leur extraversion naturelle".
Tiens donc. Les hommes seraient donc "naturellement" extravertis ?
Selon le "Petit Robert", l'extraversion correspond au "comportement d'un individu qui montre une grande facilité à établir des contacts avec ceux qui l'entourent, qui expriment aisément ses sentiments"
J'ignorais qu'être extraverti était une caractéristique genrée, réservée aux hommes.
On en apprend, des choses...
Et ce n'était pas fini.
La spécialiste en papas poursuit : ceux-ci seraient "biologiquement programmés" pour "encourager le risque et l'autonomie" et pour "pousser au développement (...) du raisonnement, du langage".
Je lis, je relis, l'article et Mme Anna Machin sont clairs :
La nature (qui "fait bien les choses") a doté les hommes de courage, d'indépendance, d'aptitudes à l'analyse et au discours, et à transmettre tout ça à leurs enfants.
On en apprend, des choses...
L'article sur "les nouveaux papas" s'affichait moderne, dans l'air du temps.
En réalité, il en ressort que :
- les hommes sont tournés vers le monde extérieur, courageux, débrouillards, doués pour la communication,
- a contrario, les femmes sont repliées sur elle-même (et leur foyer ?), des poules mouillées, et pas futées.
L'auteur de l'article (en réalité auteure : c'est une femme !) conclut avec bonne humeur que les pères et mères "ne (...) peuvent pas toujours" évoluer dans leur rôle respectif, puisqu'ils sont "rattrapés" par leur nature !
Sous couvert de modernité, les pères et mères - les femmes et les hommes en général - sont surtout "rattrapés" par les vieux clichés.
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Donc apparemment, c'était un article essentialiste.
RépondreSupprimerC'est dommage.... "biologiquement programmé pour encourager le risque", je dirais que ça dépend surtout de l'expérience de vie, de la confiance en soi...
Pour la virilité, j'avoue que je n'ai jamais vraiment compris cette obsession de la virilité. J'ai l'impression qu'on est dans un monde binaire où soit les hommes sont virils soit c'est la caricature inverse frôlant l'homophobie. Pas d'autres possibilités (alors que dans la réalité, si).
Il se trouve que certains hommes autour de moi aussi ont du mal à comprendre, même si effectivement ils sont minoritaires dans mon entourage...
Le contraste m'avait frappée entre l'habillage moderniste (le titre notamment), et le fond essentialiste, frisant la caricature.
RépondreSupprimerUn monde binaire ? En effet, et pas que dans cet article, hélas.